13/04/2023, Francine est medic depuis maintenant 4 ans. souvent prise au coeur des échauffourée elle est équipée afin de pouvoir porter assistance au personnes sous les projectiles et dans le gaz lacrymogène.

16/02/2023, Syndiquée depuis 25 ans Francine commence à la CGT, suite à des désaccord elle rallie SUD dont elle arbore les couleurs fièrement.

07/02/2023, Francine accorde beaucoup d’importance à calmer les gens en situation de stress qu’ils soient bléssés ou non. Sa voix très posée et son ton réconfortant sont parmis ses outils de soin les plus utiles. Ils lui arrivent même souvent de rester à l’écart du groupe de médics, bien que le soin soit fini, afin de continuer à apaiser les bléssés en état de choc. Pour elle cela est une partie inhérente de son rôle.

07/02/2023, Francine commence chaque manifestation par une session de tambourin avec la fanfare des gilets jaunes. C’est pour elle un défouloir afin de rentrer dans l’action l’esprit apaisé. Elle festoie aussi avec ses anciens camarades de lutte. Ainsi elle renoue avec les raisons premières de son adhésion à ce mouvement.

16/02/2023, Francine depuis 2019 participe à chacune des manifestations des gilets jaunes. Elle est connue pour son fort caractère mais aussi pour son implication dans chacun de ses soins par tous.

16/02/2023

07/03/2023, Le travail de Medic se fait en équipe. Ils sont souvent nombreux et ne sont que très rarement solitaires. Francine passe la majorité de son temps avec son Binôme Lulu.

07/03/2023, Afin d’apaiser les brulures de lacymogènes les medics utilisent un cocktail à base de Malox ou de Smecta. Les medics ne sont pas subventionnés et tout leurs matériels sont achetés à leurs frais.

13/04/2023, Souvent les Medics se retrouvent en première ligne. Il n’est pas rare que, voyant l’atmosphère trop tendue, Francine s’interpose entre policiers et manifestants.

23/03/2023, Les blessures en manifestations sont variées mais lorsque la blessure est trop grave et que l’hémoragie ne s’arrête pas les médics font appel aux pompiers.

23/03/2023

01/05/2023

07/02/2023, Le sac de Francine peut facilement peser plus de 10kg.

07/03/2023

17/03/2023, Francine se repose après la soirée du 49.3. Elle n’avait pas prévu de venir ce soir là et n’a donc pas pu prendre tout son équipement avec elle.

25/02/2023, Francine habite au bout du RER A et doit donc prévoir plus d’une heure de trajet pour rentrer chez elles chaques jours de manifestations parisiennes.

UN AN APRES

INTERVIEW ET PORTRAIT

Je rencontre Francine le 31 janvier 2023, lors d’une des premières manifestations contre la réforme des retraites. Je lui demande un briquet, elle se retourne vers moi, les yeux encore boursoufflés par les gaz lacrymogènes et se présente ainsi : Francine, médic, syndiquée et gilet jaune. Depuis j’ai fait chacune des manifestations à ses côtés, photographiant hebdomadairement son implication en tant que médic. Ceci est une interview réalisée un an après.
Demian: Comment as-tu commencé ton implication militante ?
Francine: À 15 ans, j’ai commencé mon militantisme avec SOS Racisme. Ces questions me dérangeaient car on est tous des êtres humains, peu importe la couleur de notre peau. On a tous le droit de vivre sur cette planète. J’étais déjà révoltée de naissance. En 1994, en devenant fonctionnaire, j’ai participé à d’importantes grèves comme celles de 95. J’ai d’abord été syndiquée à la CGT et à FO, mais ça ne me convenait pas. J’ai continué sans syndicat, mais on m’a vite fait comprendre que si je voulais m’exprimer, il fallait que je sois syndiquée, alors j’ai rejoint SUD. Maintenant, je suis déléguée syndicale SUD Solidaire. Le 18 novembre 2017, tout a changé avec les gilets jaunes, même si je continue de porter mes badges syndicaux en manifestation.
D: Comment es-tu passée de gilet jaune à médic ?
F: J’ai commencé avec les GJ sur le rond-point de Melun. Je voulais aller aux premières manifestations à Paris, mais en voyant les lacrymogènes à la télé, je me suis dit qu’avec mon asthme sévère, ce n’était sûrement pas une bonne idée. J’ai finalement décidé d’y aller le premier samedi de janvier 2019. Quand j’ai vu des personnes âgées, des gens avec des problèmes de santé, des cancers, des handicapés avec leurs fauteuils ou cannes, je me suis dit "et moi j’ai peur pour mon asthme mais non c’est ici qu’il faut que je sois". J’ai commencé à voir des médics à Paris. Un jour, après avoir pris un coup de bouclier, un médic m’a aidée et on a discuté. La semaine suivante, je lui ai apporté un peu de matériel que j’avais chez moi. Avec le temps, les médics devenaient de plus en plus rares, alors, avec mon diplôme SST2, j’ai commencé à me rendre à Paris en tant que médic.
D: Avais-tu déjà vu des médics en manifestation auparavant ou est-ce un phénomène récent ?
F: Non, je pense qu’avant il y en avait moins besoin. Il y a eu des tensions, mais la violence ne dépassait pas certaines limites. L’apparition d’un grand nombre de médics en France est une conséquence de la violence de la police. On ne considérait plus la police comme gardien de la paix mais comme force de l’ordre. L’histoire des médics remonte à bien plus loin, jusqu’aux années 60 avec les Black Panthers il me semble.
D: Pourquoi es-tu devenue médic ?
F: C’était une accumulation de plein de choses et des moments précis où je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose. Voir des gens à terre, contaminés, gazés, sans médics pour les aider, m’a poussée à agir. Les policiers allaient jusqu’à enlever le sérum physiologique à tous. C’est tout un enchaînement qui m’a fait décider de devenir médic. Je me sens plus utile en blanc.
D: Et pour votre matériel comment faites-vous ?
F: On se débrouille. Au début, tu fais avec ce que tu as dans la pharmacie. Ensuite, tu investis. Mon sac coûte 38 €, chaque consommable peut aller de 3 à 15 €. Finalement, je dois avoir aux alentours de 600 € de matériel dans mon sac. Tout ce matériel est à nos frais, il arrive que des GJ m’en passent ou qu’on s’entraide, mais on n’est pas soutenus financièrement par des associations ou des cagnottes.
D: Comment sont les rapports entre les médics et la police ?
F: Dans les premières manifestations, un policier a fait un arrêt cardiaque et un médic lui a fait un massage cardiaque, mais certains médics ont critiqué ce geste. Moi, j’étais GJ avant d’être médic, donc les GJ connaissent ma façon de penser. Être en blanc, c’est être neutre. Les infirmières de combat pendant la guerre sauvaient des soldats allemands, changeant leur façon de penser. Les policiers, avant d’être en bleu, sont des êtres humains. Pourtant, il arrive qu’on nous prenne tout notre matos à l’arrivée, qu’ils nous empêchent de rentrer, qu’ils embarquent des médics. J’essaie quand même de discuter avec eux.
D: Je t’ai vu prendre un rôle de médiation plusieurs fois, considères-tu que cela fait partie des fonctions d’un médic ?
F: Oui, clairement. Je me suis interposée et j’ai calmé des situations. Une fois, j’ai dit à un gendarme "pour moi, une manifestation qui se passe bien, c’est une manifestation où je n’ai pas besoin de soigner" ; je pense que ça résume vraiment ma position. Je sais être neutre, je sais engueuler la police comme je sais engueuler les GJ, à un moment donné.
D: J’ai entendu des personnes dire que vous étiez les soigneurs personnels des Blacks Blocks, qu’en penses-tu ?
F: Pour les BB, c’est comme pour la police, je soigne ceux qui ont besoin d’être soignés. Mais souvent, ils n’ont pas besoin qu’on les soigne, soit ils se soignent eux-mêmes, soit ils vont à l’hôpital plusieurs jours après.
D: Quelles sont les traces que tu gardes de cette année 2023 ?
F: Les premières traces sont psychologiques. Un jeune s’était fait ouvrir le crâne, et pendant 3 jours, les images me sont revenues. Je n’étais pas préparée à une telle violence. J’ai pleuré plusieurs fois assise par terre dans le RER. La télévision m’a fait passer pour une feignante, une terroriste, une cassos. Je travaille depuis que j’ai 16 ans, j’en ai 53 aujourd’hui. Les flashs reviennent encore. Physiquement, je travaille avec des petits de 3 à 5 ans. Un coup de bouclier la veille et le petit t’attrape le bras en plein sur ton bleu. Tu prends sur toi. J’ai mon squelette en vrac, mais je continue. La lacrymo, quand tu t’en prends toutes les semaines, tu le sens. Ma mémoire en a souffert. Je prends une année de repos, mais si ça remonte, j’y retournerai.
D: Et que vois-tu dans l’avenir ?
F: C’est fini depuis 2020, Macron a gagné. Mais j’ai de la réserve en tant que médic. Un jour, ça va péter, et j’aurai toujours mes gilets, médics et jaunes.
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